Quartiers européens d’Alger en juin 1962
rideau

L e 30 juin, dans la soirée, la radio d'Alger déclare : C'est demain dimanche 1er juillet que se déroulera le référendum. Les électeurs auront à se prononcer par oui ou par non sur la question suivante :  Voulez-vous que l'Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par la Déclaration du 19 mars 1962?
Le commandant en chef des troupes françaises en Algérie communique :
« Aujourd'hui, rien à signaler. »
Rien à signaler peut-être sur le plan militaire, mais, pour le reste, tout est à signaler. Et d'abord l'extraordinaire contraste, dans la capitale, entre les quartiers européens et les quartiers musulmans.
Alger européenne, qui a presque fini de brûler ses tas d'ordure au coin des rues et qui, parfois même, commence à réparer ses fenêtres arrachées, à retaper ses balcons et à décrasser ici et là ses façades noircies d'incendie, ne sort que lentement de l'Apocalypse. Elle a les traits tirés comme les rideaux de fer de ses magasins, les yeux clos de ses volets obstinément fermés.
Artères désertes, boutiques scellées, bureaux silencieux, entreprises somnolentes, administrations léthargiques, écoles en vacances, entrepôts sans marchandises, garages sans voitures, commerces sans clients, cinémas sans public, immeubles sans loca­taires... Alger européenne a mis les clefs sous la porte, et s'est réfugiée dans le départ  ou la claustration. Sa blancheur, sous le soleil torride, n'est plus qu'une pâleur et la présence humaine se fait aussi rare que l'ombre.
C'est dans un silence crépusculaire que les pieds-noirs sortent avant la fermeture des boutiques d'alimentation, pour faire emplette des conserves de la semaine et des fruits et légumes du repas du soir. Les célibataires constituant la majorité de ces acheteurs hésitants, car les femmes représentent 65 % de la population européenne qui a quitté la ville depuis deux mois.
Sur les trottoirs, à l'heure de la fraîcheur, de timides promeneurs paraissent un peu perdus et comme étrangers à leur propre ville. Ils rentreront tôt chez eux, comme si le couvre-feu n'avait pas été levé. Ils reprennent lentement l'habitude de côtoyer des Musulmans mais ils ne tiennent pas à les croiser une fois la nuit venue. Les réflexes conditionnés de la peur jouent toujours, mais c'est la peur qui a changé de camp.

alger en 1962
anecdote
accueil
Accueil
L'indépendance